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Alors que le mode de propulsion électrique avance à marche forcée dans l’automobile, il se développe bien plus timidement dans le secteur du van et du fourgon aménagé. Quelles sont les contraintes qui expliquent que l’offre peine à décoller ? Quelles évolutions pourraient permettre son essor ? Fourgonlesite fait le point.

L’Union européenne a scellé récemment le sort des véhicules thermiques neufs : à partir de 2035, leur vente sera tout bonnement interdite sur le Vieux Continent. Une décision qui avait été anticipée par les fabricants automobiles, dont les gammes passent les unes après les autres au moteur 100% électrique. Mais l’industrie du véhicule de loisirs, elle, reste encore globalement à l’écart du mouvement et semble avoir plus de mal à se projeter dans cet avenir pourtant pas si lointain… Alors c’est vrai, les concepts fleurissent depuis quelques années. Et le Caravan Salon 2022 de Düsseldorf a montré que les aménageurs commencent à sérieusement réfléchir à la question (voir Bürstner, Vanline by Pössl, Crosscamp, Reimo…). Mais combien de modèles passeront du concept à la production en série dans un avenir proche ? Seule une poignée de marques s’est pour l’instant engagée…

■ Vanster, le plus maniable et polyvalent des vans à toit relevable signé Pössl, passe à l’électrique sur base e-SpaceTourer. Sa commercialisation n’est pas attendue avant l’an prochain.

⚖️ Poids des batteries : jusqu’à 1T de dérogation de PTAC

Montage du pack de batteries, d’un poids d’environ 480 kg, sur le châssis du e-Transit. Crédit 📸 Ford

Quelles sont donc les freins qui expliquent que l’offre des fabricants reste pour l’heure confidentielle ? La question du poids des batteries – généralement de l’ordre de 500 à 1000 kg – a longtemps été brandie comme une explication. La réalité est néanmoins plus complexe. En effet, depuis un décret paru au journal officiel le 29 juillet 2021, l’article R. 312-4 (point IV) du code de la route stipule que :

« Les véhicules à gazogène, gaz naturel pour véhicules, accumulateurs électriques ou systèmes de propulsion alternatifs bénéficient, dans la limite maximale d’une tonne, de dérogations correspondant au poids en ordre de marche soit du gazogène et de ses accessoires, soit du gaz naturel pour véhicules et de ses accessoires, soit des accumulateurs et de leurs accessoires, soit des stockages d’énergie mécaniques et de leurs accessoires ».

Dit autrement, cela signifie que cette dérogation  permet aux titulaires d’un permis B de conduire des véhicules électriques dont le PTAC peut atteindre jusqu’à 4,5 tonnes. Ce que nous confirme Bertrand Dufresne, brand manager de la branche Véhicules utilitaires (VU) chez Ford France : « Le e-Transit E-390 (3,9T) est  d’ores et déjà accessible avec un simple permis B. Mais le e-Transit 425 (4,25 T) nécessite toujours un permis PL car la dérogation s’applique jusqu’à 1 tonne, dans la limite du poids des batteries. » Ainsi, un pack de batteries pesant 500 kg augmente de 500 kg le PTAC accessible avec un permis B, un pack de 700 kg augmente de 700 kg le PTAC accessible avec un permis B, et ainsi de suite jusqu’à 1 tonne.

A noter : les titulaires d’un permis B roulant avec un véhicule électrique de plus de 3,5 tonnes devront se plier aux mêmes restrictions et obligations que les autres véhicules poids-lourds : limitations de vitesse, signalisation des angles morts, contrôle technique annuel… Aucun disque de tachygraphe n’est en revanche nécessaire.

 ⛽️ Autonomie : le nœud du problème

Le secteur du véhicule de loisirs est en réalité confronté, avant tout, au problème de l’autonomie des porteurs fournis par l’industrie automobile. « A ce jour, les constructeurs de châssis ne proposent pas de véhicules offrant une autonomie suffisante pour envisager une commercialisation à grande échelle », soutient ainsi un grand fabricant français de camping-cars, fourgons et vans. Un avis partagé par différents aménageurs interrogés, dont T&T Vans, qui propose son modèle Aventourer sur le Citroën e-Jumpy. « Pour l’heure, nous avons eu deux devis, restés sans suite, précise Maxime Tintenier, son dirigeant. Il faut dire que l’autonomie du e-Jumpy par rapport au Jumpy équivalent thermique est quasiment trois fois moindre », souligne-t-il, avant de relever d’autres obstacles à ce type de motorisation alternative (voir encadré en bas de page).

Le pack de batteries le plus puissant du Fiat e-Ducato (79 kWh) a un poids d’environ 1 tonne. Difficile, dès lors, de proposer une autonomie plus importante sans entamer la charge utile disponible… Crédit 📸 Fiat professional

Vans VS fourgons : qui a la meilleure autonomie ?

Tour d’horizon des capacités de batteries et de l’autonomie maximale annoncée (en cycle mixte WLTP)* pour les principales bases d’utilitaires légers du marché. Pour chacun des modèles, nous indiquons la capacité utile/nette du meilleur pack de batteries et, entre parenthèses, sa capacité nominale/brute :

FORMAT Vans

  • VOLKSWAGEN ID.Buzz : 77 kWh  (82 kWh) / 419 km
  • FORD e-Transit Custom : 74 kWh (83 kWh) / 380 km – mise en production prévue en 2023
  • MERCEDES EQV  300 : 90 kWh (100 kWh) / 353 km
  • CITROËN e-SpaceTourer / e-Jumpy : 65 kWh (75 kWh) / 330 km
  • NISSAN Townstar EV (ex e-NV 200) : NC (45 kWh) / 300 km
  • RENAULT Trafic Van e-Tech : 52 kWh (57 kWh) / 240 km – mise en production prévue en 2023

FORMAT Fourgons

  • FORD e-Transit : 68 kWh (75 kWh) / 317 km
  • FIAT e-Ducato : 47 kWh (79 kWh) / 280 km
  • RENAULT Master e-Tech : 52 kWh (57 kWh) / 204 km
  • MERCEDES e-Sprinter : 47 kWh ( 55kWh) / 156 km
  • VOLKSWAGEN e-Crafter : NC (35,8 kWh) / 115 km

* Précisions utiles : l’autonomie annoncée par les fabricants concerne toujours la configuration de véhicule la plus optimale et reste largement sujette à débat. Selon l’utilisation d’équipements type clim’ ou chauffage, le type de parcours (autoroute, ville, mixte), la topographie du trajet, la vitesse et le style de conduite, la météo ou l’état des batteries, l’autonomie en conditions réelles pourra fortement varier…  Notez aussi qu’un aménagement de loisirs vient affecter le poids du véhicule, ce qui réduit d’autant plus son autonomie de départ.

En attendant le futur Ford e-Transit Custom, le Mercedes EQV – pendant électrique du Classe V – est l’un des vans affichant la plus grande autonomie de sa catégorie. Pas étonnant qu’il ait déjà fait l’objet de plusieurs aménagements de loisirs : Sortimo, Reimo, Yellowcamper…  📸 Mercedes-Benz

✅ A l’aune de ce mini comparatif, on constate que l’autonomie des vans apparaît souvent supérieure à celle des fourgons. « Le pack de batterie est plus puissant sur le e-Transit Custom que sur le e-Transit et ses caractéristiques physiques – poids et aérodynamisme – sont plus favorables », nous éclaire Bertrand Dufresne, responsable de la branche VU chez Ford France. Ce qui explique sans doute pourquoi l’offre des aménageurs se déploie aujourd’hui plus rapidement sur ce segment de véhicule.

🇪🇺 Vers une évolution de la législation européenne ?

Le salut pourrait-il venir, au final, d’un changement de législation au niveau européen ? Aujourd’hui, c’est la directive 2006/126/EU relatif au permis de conduire qui fixe le PTAC à 3500 kg pour les titulaires d’un permis B. Mais la Commission européenne prépare une grande réforme de ce texte pour, dit-elle, tenir compte « des nouveaux défis en matière de mobilité ». Nombre d’acteurs se sont ainsi mobilisés pour faire relever le plafond du PTAC avec un permis B. Une revendication motivée par diverses raisons, à commencer par l’augmentation de la charge utile des véhicules (celle-ci étant de plus en plus réduite sous l’effet du durcissement des normes de sécurité et environnementales).

Le lobbying est mené notamment par des groupements de constructeurs de camping-cars (Uni-VDL en France) et des associations d’usagers (FFCC, FICM). Si ces derniers revendiquent un plafond à 4500 kg, comme aux États-Unis, Uni-VDL demande un seuil à 4250 kg. Dans tous les cas, il faudrait alors espérer – et ce n’est pas gagné ! – que soit maintenue la dérogation d’une tonne concernant les véhicules à carburant alternatif. Les arbitrages de la Commission européenne sur cette grande réforme du permis de conduire seront connus au premier semestre 2023. Et il faudra ensuite attendre l’adoption de la directive et sa transposition dans la législation nationale. Ce qui nous amène, a minima, en 2025…

🚐 Les loueurs en première ligne

En attendant, comme dans l’automobile, le secteur de la location est en première ligne pour faire tester – et adopter ? – le mode de propulsion électrique par les utilisateurs. Voici quelques exemples de loueurs qui ont décidé d’intégrer à leur flotte des vans et fourgons aménagés 100% électrique :

  • Le premier loueur à avoir dégainé une offre de van électrique est Jucy Rentals, en Nouvelle-Zélande. Comme le rapporte le média About Travel, ce sont deux Françaises qui ont été en charge de tester, en 2018, le prototype Jucy EV, basé sur le Nissan e-NV 200. Leur voyage de 13 000 km à travers l’île leur a permis de collecter de nombreuses informations sur les coûts de recharge ou encore la disponibilité des infrastructures. Sur la base de cette expérience, Jucy Rentals a amélioré son minivan 100% électrique afin qu’il puisse assurer une plus grande distance avec une simple charge : de 180 à 200 km (soit près du double par rapport à l’autonomie initiale du prototype). Le Jucy EV est disponible à la location depuis 2019.
  • En France, la start-up Bloom Campers s’est, elle, lancée dans la location de vieux Combis rétrofités (c’est-à-dire que l’ancien moteur thermique a été remplacé par un moteur électrique ; une opération réalisée par le spécialiste Retrofutur). Encore en phase d’homologation, le premier T3 rétrofité est attendu dans le courant de l’année 2024 et disposera d’une autonomie d’environ 150 km. Et après que ce premier modèle ait franchi les barrières règlementaires, la flotte pourra s’étoffer rapidement. Outre la location, Bloom Campers proposera aussi aux propriétaires de Combi le rétrofit de leur véhicule thermique. « Le rétrofit électrique est une solution pour résoudre le problème de disponibilité des vans et réduire leur coût d’achat, tout en prolongeant la durée de vie des véhicules, avance Nicolas Gumy, co-fondateur de Bloom Campers. A terme, la transformation pourra s’effectuer en moins d’une semaine à un tarif largement inférieur à l’achat d’un van neuf : à partir de 20 000€, sans compter les aides de l’État et des Régions ». Notez ici que les véhicules rétrofités ne sont pas éligibles à la dérogation d’une tonne concernant le poids des batteries et de leurs accessoires.
  • Au Canada, Bromont Campervan est le premier loueur nord-américain à disposer d’un fourgon aménagé 100% électrique dans sa flotte. Le modèle, qui repose sur le Ford e-Transit, a été aménagé par l’entreprise EasyVans et sera disponible à la location d’ici l’été prochain. Il s’appuie, pour alimenter la partie cellule, sur une puissante batterie lithium Volthium. « Avec la montée des prix de l’essence et la conscience environnementale qui grandit, la tendance est à la hausse pour ce type de véhicule », défend Olivier Marcoux, dirigeant de Bromont Campervan.

⚡️D’autres limites au développement de l’électrique

Prix plus élevés des porteurs, réseau de bornes de recharge encore en cours de déploiement… Au-delà de l’autonomie, d’autres obstacles expliquent que les fabricants de véhicules de loisirs hésitent encore à se lancer dans la course à l’électrification de leur catalogue. Crédit 📸 Citroën

Interrogés sur les freins à la progression du moteur électrique dans le secteur du VDL, plusieurs aménageurs pointent également du doigt le réseau de bornes de recharges peu développé en France* ainsi que le prix d’achat jugé encore prohibitif. « Hors bonus écologique, nous commercialisons le e-Jumpy aménagé près de 20 000€ plus cher qu’un Jumpy équivalent thermique, illustre ainsi Maxime Tintenier (T&T Vans), qui soulève aussi la question du prix des recharges. Un plein d’électricité sur une borne de recharge rapide est actuellement de l’ordre de 50€ à 60€. Rapporté au km parcouru, cela revient donc plus cher qu’un véhicule thermique », avance-t-il.

On peut toutefois rappeler que ce coût chute lorsqu’on charge le véhicule sur une prise à domicile (mais la recharge est alors sensiblement plus longue). A l’usage, le cout d’entretien d’un véhicule électrique est aussi, selon plusieurs études – dont une de l’UFC Que Choisir en 2018 – de 20 à 35% moins onéreux que celui d’un véhicule thermique. Ceci s’explique par différents facteurs : moins de pièces composant le moteur (courroie, durite, joint de culasse…), pas de système d’embrayage, plaquettes de frein moins sollicitées grâce à la récupération de l’énergie de freinage, etc. Malgré ces quelques notes positives, du chemin reste à parcourir pour que le mode de propulsion électrique s’impose dans le secteur du véhicule de loisirs.

* Au 30 septembre 2022, selon le baromètre Avere France, la France comptait 71 630 points de recharge ouverts au public (+ 46 % sur un an).

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